L'Exécutif des Musulmans demis de ses fonctions

Message posté le : 24-02-2008     par : Mohamed
Cette fois, c’est fini. L’Exécutif des Musulmans de Belgique (EMB) a reçu son C4. Tous les membres de l’institution représentative des musulmans de Belgique ont été remerciés par l’employeur qui les avait recommandés et soutenus moins de trois ans auparavant.

Mise en place par les pseudo-élections communautaires du 13 décembre 1998, parrainées et confectionnées sur mesure par le ministère de la justice belge avec la complicité d’autres parties musulmanes, cette institution n’a jamais bénéficié de crédibilité au sein de la communauté musulmane.

Initialement créé pour marginaliser le Conseil Supérieur des Musulmans de Belgique qui, durant plus de 5 ans d’intenses activités, avait prouvé son intégrité, son indépendance et sa combativité afin de mieux structurer la communauté musulmane du Royaume et la doter des mêmes droits dont bénéficient les autres communautés du pays, essentiellement les droits cultuels et religieux, l’Exécutif des Musulmans a toujours été une institution politique.

Les racines de la défunte institution remontent au « Conseil des Sages », instauré en novembre 1990, par le ministre de la justice de l’époque Melchior Wathelet (PSC baptisé depuis Cdh). Mis en place, d’une manière maladroite, par les syndicats et les partis politiques de l’époque, cet organe sensé gérer les affaires du culte musulman était, par sa constitution, plus près des milieux d’affaires et laïques que musulmans. La plupart de ses membres n’avaient aucune relation avec la vie musulmane du pays. La presse de l’époque avait même révélé des affaires de corruption à l’encontre de certains parmi eux. Celles-là n’avaient pourtant pas suffi pour repenser la représentativité de la communauté musulmane du pays et confier la gestion de ses intérêts, à défaut de se prendre en charge elle-même, à une institution plus représentative.

Avec l’émergence du Conseil Supérieur des Musulmans de Belgique, organe issu des élections communautaires du 13 janvier 1991, élections non cautionnées par le Ministre de la justice, le « Conseil des Sages » a été définitivement évincé de la scène et le Ministre Whatelet a été contraint de reconnaître sa déroute et de remercier ce représentant fantoche de ses services moins de 3 ans depuis son installation.

Le constat d’échec des autorités était amer, ce qui les avait poussés à tirer les leçons. La voie purement démocratique pour l’institution de l’Islam n’était pas l’option retenue par les partis « démocratiques ». La désignation de représentants dociles et maniables selon le bon vouloir du Chef fait partie d’une autre époque et ne peut être acceptée de nos jours, et pourtant c’était et elle est toujours l’option souhaitée par les ténors du pouvoir. Alors, pourquoi pas une voie hybride, mi démocratique et mi dictatoriale. Cette dernière voie a été expérimentée lors des élections de 1998 et 2005, screening voilé par des urnes. La crédibilité du Conseil Supérieur des Musulmans, dont la majeure partie de ses membres, euphoriques, s’étaient ralliés à la nouvelle institution, a subi un sérieux revers. Le résultat ? Un exécutif, puis un exécutif bis, évidemment sans continuité et sans passation pacifique de pouvoirs à la « démocratique » et comme on pourrait s’attendre sans aucun succès tant pour l’un que pour l’autre.

D’ailleurs, attendrait-on, vraiment, de meilleurs résultats, lorsqu’on engage des « responsables » officiels travaillant à titre bénévole, avec des budgets de fonctionnement ridicules et sans aucune expérience dans la gestion des affaires du culte ?

Que des mirages et des épouvantails ! Neuf ans déjà passés et la communauté musulmane attend toujours le financement des mosquées, des imams et des aumôniers dans les prisons et les hôpitaux. Ça et là, des cartes fluorescentes brandies par les autorités faisant miroiter l’arrivée imminente des subventions et des salives commencent à couler.

De quels acquis la communauté musulmane pourrait-elle s’enorgueillir, après une décennie de représentation officielle? Les atteintes aux libertés vestimentaires des femmes musulmanes s’étaient accentuées. Les jeunes filles privées de leur droit à l’instruction car elles portent le foulard. Les femmes privées de travail car elles portent le foulard ; privées de leur droit au CPAS car elles portent le foulard. Elles sont interdites d’accès à l’hémicycle du Parlement et du Senat, les hauts lieux de la démocratie, car elles portent le foulard. Au nom de la liberté d’expression, leurs valeurs et leurs principes les plus sacrés sont régulièrement trainés dans la boue par les média, au même moment où cette liberté d’expression est considérée comme un sacrilège et un crime punissable lorsqu’il touche d’autres couches de la société !

Il va de soi que la liste est encore beaucoup trop longue pour pouvoir la dérouler dans son entièreté dans ces lignes.
Tout de même, restons objectifs et n’imputons pas tous les maux de cette communauté à l’institution qui la représente. Cependant, l’inertie de cette dernière était voulue et prévisible dès les négociations des années 95, 96 et 97, entre le Conseil Supérieur des Musulmans et les représentants du Gouvernement belge, bradées par les responsables musulmans de l’époque, pris dans un tourment d’euphorie aveuglante. Il est grand temps que cette communauté s’émancipe, qu’elle fasse preuve de maturité et qu’elle prenne son sort en main, refusant, une fois pour toute, toute idée de tutorat et d’assistance auxquelles elle est habituée durant des décennies.

Aujourd’hui que le verdict d’échec a été prononcé à l’encontre d’une institution qui n’avait jamais obtenu la confiance ni d’un coté ni de l’autre, par la mise à la porte de tous ses membres pour corruption et d’abus de confiance, quelles perspectives pourrions-nous nous attendre pour cette communauté ?

Quel lapin magique un gouvernement intérimaire à l’agonie et qui rendra l’âme dans moins de quatre semaines pourrait-il encore sortir de son chapeau?

L’instabilité gouvernementale et la crise constitutionnelle vont-elles accorder un répit au malheur d’une communauté meurtrie ou bien seront-elles l’alibi tant attendu pour un retour à la case de départ des années septante et quatre vingt ? L’arbitraire, avec ses conséquences fâcheuses, est toujours à l’affut de ceux qui se désintéressent de leur avenir et de celui de leurs concitoyens !

M. S. Guermit (Trésorier du CSMB)
Copyright © CSMB 2009