La diabolisation de l’affaire du foulard islamique

Le foulard que portent les jeunes filles musulmanes ne cesse de déchainer les passions. Il devient de plus en plus l’alibi pour restreindre voire empêcher l’instruction des filles de confession musulmane. Et pourtant ce n’est non seulement un droit garanti par la Constitution et les différents traités internationaux, mais en plus l’obligation scolaire jusque l’âge de 18 ans est inscrite dans la législation de la plupart des pays dits démocratiques.

Le sujet a tellement été médiatisé et diabolisé par le courant laïc qui se considère comme étant l’héritier de la Révolution Française de 1789 pour combattre toutes les idées religieuses, qu’aujourd’hui tout abus à l’égard de toutes celles qui le portent devient loi abolissant toute notion de respect des droits de l’homme dont ils prétendent être les fervents défenseurs. Le harcèlement, l’intimidation et même la violence crue à leur égard deviennent monnaie courante, des comportements odieux et honteux, attisés par les donneurs de leçons aux autres pays en matière de respect des droits de l’homme.

Les appels répétés et à haute voix, de la part de ceux qui se dressent comme « idéologues » ou « défenseurs » de la laïcité, pour la mise sur le banc des accusés des fillettes, la plupart du temps des mineures, pour avoir pratiqué un droit légitime garanti par la Constitution, polluent la littérature de ces dernières années et ne connaissent plus de clandestinité ni de limite.

Cette pollution, d’une autre nature, est très nuisible et très dangereuse surtout qu’elle diffuse au sein de notre société la haine, le rejet et l’exclusion sous l’habit de liberté et d’égalité et d’émancipation. Le complexe de supériorité transparait à travers des monologues souvent pratiqués dans ce genre d’opuscules. Priver les victimes innocentes que sont les filles musulmanes du droit de parole et s’auto proclamer leurs tuteurs et leur faire dire ce qu’elles n’ont jamais dit.

L’on s’interroge, dès lors, sur ce qui distingue ceux qui prétendaient, jadis, la supériorité de la race aryenne sur les autres races de ceux d’aujourd’hui qui persécutent les jeunes filles musulmanes et qui les considèrent inférieures aux autres, uniquement parce qu’elles portent un foulard. Suffirait-il de prétendre militer contre les idées de l’Extrême droite pour se permettre de piétiner les lois et de faire fi des droits de ceux qui ne nous ressemblent pas ? N’est-ce pas là le même étang dans lequel les deux formations sont en train de pêcher ? Ainsi, l’Extrême Droite ne pourrait que s’en féliciter des services rendus, peut être inconsciemment, par leurs prétendus adversaires. D’ailleurs, ce sont ces contradictions flagrantes qui font progresser, à chaque élection, le score de cette formation raciste.


La pollution littéraire par les idées extrêmistes

La lecture de l’article « le port du voile à l’école » dans la revue « Tribune » du syndicat socialiste CGSP, dans son numéro de novembre 2007, écrit par Madame Nadia Geerts, professeur de morale dans l’enseignement secondaire et militante dans la lutte contre l’Extrême Droite, nous donne un exemple concret de la pollution littéraire par des idées extrémistes visant à infecter le climat social de notre pays, jusqu’ici relativement paisible.

Ce qui est le plus surprenant dans cette affaire est que, dans la plupart des cas, les « idéologues » du rejet du foulard islamique perdent complètement leur esprit lors du traitement de ce sujet. Aucune lucidité ne transparait à travers leurs analyses largement partisanes. L’objectivité cède la place au discours haineux plein de contradictions.

Pourrions-nous concevoir qu’un professeur, censé enseigner à ses élèves les principes de la tolérance et de la coexistence pacifique avec les humains des autres cultures, nous donne, aujourd’hui, l’exemple du rejet de l’autre uniquement pour son comportement vestimentaire ? Reproche-t-on à cette tunique son caractère illégal ou anticonstitutionnel ? Pas du tout, cependant l’appel est lancé, par Madame Geerts, pour faire des lois sur mesure pour qu’il en soit ainsi « affirmer clairement que les dogmes et prescrits religieux n’ont pas cours dans l’enseignement officiel, ni, de manière générale, dans la sphère étatique ».


Une laïcité raciste et anticonstitutionnelle

Cherche-t-on à imposer à tout le peuple belge de renoncer à ses valeurs tolérantes conformes aux principes des droits de l’Homme et d’adopter la nouvelle confession appelée : « laïcité raciste ». Ainsi, elle « réclame l’inscription du principe de laïcité politique dans la Constitution et les dispositifs légaux des entités fédérées».

Pourquoi laïcité raciste ? Car, en fait, c’est à une laïcité sur mesure, destinée à exclure les musulmans qu’appellent les « laïques » d’aujourd’hui.

A l’origine, laïcité signifiait séparation de l’Eglise et de l’Etat et donc elle rimait avec neutralité du pouvoir et sa non ingérence dans les affaires religieuses, et c’est sur base de ces principes qu’étaient élaborés la Constitution belge et les différents traités internationaux. La laïcité raciste d’aujourd’hui prône les tribunaux d’exception d’antan pour les musulmanes, leur seul crime étant leur différence et les valeurs qu’elles portent.

La dictature confessionnelle prêchée par les nouveaux laïcs va à l’encontre de la constitution et des lois du peuple belge pour lesquelles chaque fonctionnaire de la sphère publique avait prêté serment. Autrement dit, c’est l’illégalité déguisée.

La Constitution belge stipule :

Art. 19
"La liberté des cultes, celle de leur exercice public, ainsi que la liberté de manifester ses opinions en toute matière, sont garanties, sauf la répression des délits commis à l'occasion de l'usage de ces libertés".

Art. 24

• "§ 1er. L'enseignement est libre; toute mesure préventive est interdite; la répression des délits n'est réglée que par la loi ou le décret.


• La communauté assure le libre choix des parents.


• La communauté organise un enseignement qui est neutre. La neutralité implique notamment le respect des conceptions philosophiques, idéologiques ou religieuses des parents et des élèves".

La pseudo égalité revendiquée

Celle-ci consiste à vider les êtres humains de tout ce qui les distingue des animaux et de tout ce qui fait leur humanisme, à savoir les valeurs morales et la conscience responsable. Pour qu’ils soient égaux, on préconise de vider les humains de leurs valeurs religieuses.

Le seront-ils vraiment alors qu’en dépit du foulard, ils continueront à être distingués par leurs vêtements, je ne sais s’il ne faille pas les dénuder pour qu’ils soient « égaux » et même dans ce dernier cas pourrait-on, vraiment, parler d’égalité alors que les cobayes de la laïcité resteront, quand même, inégaux par leur intelligence, leur mémoire et leur motivation ?


Les convictions religieuses à la porte de l’école et du Parlement

La haine aveuglante déconnecte, souvent, ses auteurs de la sphère de la réalité. Nos illuminés se voient seuls sur la scène et font abstraction de toutes les données qui les contredisent.

Selon le sondage sur la religiosité des belges, publié en mars 2008, par la Libre Belgique et l’UCL, 47% de la population francophone se déclarait catholique et 12% musulmane. A tous ceux là et à d’autres, nos nouveaux « idéologues » prescrivent d’abandonner leurs convictions religieuses à la porte de l’école et à la porte du Parlement.

Plus de la moitié de nos jeunes fréquentent les écoles libres catholiques où le seul cours de religion dispensé est celui de religion catholique. Au moins, le tiers des élèves des autres réseaux d’enseignement suivent l’un des cours de religion dispensés dans l’établissement.

Quant à la sphère politique belge, le nouvel obscurantisme laïc va-t-il imposer à notre nouveau premier ministre pour qui plus de 800.000 voix s'étaient exprimées, malgré ses difficultés à diriger une coalition très hétérogène, à abandonner ses principes chrétiens avant de rentrer au Parlement ?

A tous ceux-là, une guerre de religion leur sera-t-elle déclarée ? Bien sûr, que non. Donc, le public ciblé est, sans équivoque, les musulmans et pire encore les seules visées sont uniquement les musulmanes, donc des volontés racistes et sexistes.

Depuis l’éclatement de l’affaire du foulard, en 1989, les adversaires de la tolérance et de la liberté des consciences ont cherché, en vain, à légitimer leur racisme et leur sexisme. De nouvelles expressions sur mesure, telles les signes religieux ostentatoires ou ostensibles, d’appartenance religieuse ou de couvre-chef ont fait leur apparition dans les règlements intérieurs des écoles, dont la cible est bien connue.


Des raisons fallacieuses

Quant à l’auteur de l’article sus-visé, elle paraît perdre tout sens d’orientation et de rationalisme.

Une fois, elle justifie son cynisme de priver les filles musulmanes de leur droit légal et légitime d’instruction par "le risque de voir apparaitre d’autres revendications d’inspiration religieuse : refus de la mixité, contestation du contenu de certains cours, … " et à un autre moment "c’est au nom de la protection des mineures d’âge qu’il importe d’interdire le port du voile à l’école".

Il est clair que tant l’un comme l’autre des prétextes évoqués sont rejetés.

Quant au premier argument, non seulement il met son auteur dans l’illégalité, par référence à l’article 24 ci-dessus de la Constitution, de commencer la violence pour motif de prévention, mais il fait penser, aussi, que l’école est un lieu où l’on impose les idées et les connaissances par la force, la violence et les tribunaux d’exception.

A ma connaissance, l’école n’est pas cette chambre de torture où les geôliers extirpent les reconnaissances par des méthodes inhumaines. Elle est plutôt le lieu où l’on apprend à réfléchir, à analyser les idées, à synthétiser et à développer l’esprit critique et non à ingurgiter toutes les couleuvres qu’on pourrait soumettre.

Combien d’idées et de connaissances étaient admises comme des vérités absolues durant des dizaines voire des centaines d’années, finalement la science a découvert leur caractère erroné et ont été reléguées aux oubliettes ! Imposer des idées par la force de la Loi et des tribunaux est la preuve de leur faiblesse. La vérité s’impose par la preuve et la persuasion et non par la menace, la violence et les procès. Au lieu de vous faire des soucis que vos élèves refusent la matière que vous enseignez, à vous professeur d’être convaincant et de susciter auprès d’eux l’intérêt et la motivation nécessaires.

Quant au second prétexte, il nous présente son auteur comme étant l’avocate et la protectrice des démunies au moment où celle-ci appelle, à haute voix, à la privation de ses pauvres victimes de leur droit d’instruction et à les jeter dans les ténèbres de l’ignorance et de l’illettrisme.

En effet, combien de jeunes filles ont été contraintes à abandonner leurs études, non par incompétence ou manque de motivation, mais à cause de l’intolérance prêchée par une nouvelle religion dénommée « laïcité » ! Depuis quand le loup devient-il berger du troupeau ?

Parler de défense d’hypothétiques victimes pour justifier sa haine et son mépris à l’égard de toute une communauté est bien audacieux. Les vraies victimes de cette supercherie sont toujours mises à l’écart et leurs bourreaux se portent toujours comme des portes paroles, sans aucun mandat de personne.

Ceci rappelle la prétention des colons des XVIII et XIX siècles, de vouloir civiliser les peuples « barbares », des pays colonisés alors que ceux-là avaient, souvent, connu la science et la civilisation avant leurs colonisateurs. Après leur libération, ces pays se sont retrouvés plusieurs siècles en arrière.


Un dépôt de contradictions

Il est surprenant de constater notre enseignante évoquer des principes incontestables mais en totale opposition avec ses velléités, faisant finalement de son texte un dépôt, pêle-mêle, de contradictions incontrôlées.

Ainsi, l’école dont la fonction est de former des esprits autonomes capables de réfléchir: "l’école a pour fonction essentielle si pas unique d’émanciper. Autrement dit, de former des esprits saints, c’est-à-dire autonomes, capables de réflexion, … " se retrouve l’école intolérante dont les idées sont figées et refusant toute autonomie "je suis de celles qui préfèrent contraindre une fille à ôter son voile à l’école… " .

En quoi consiste l’émancipation des jeunes filles musulmanes ? "Reconnaitre aux jeunes filles le droit de ne pas porter le voile, c’est leur reconnaitre le droit de s’émanciper des référents culturels- réels ou fantasmés- de leurs parents, … ".

Ainsi, pour notre enseignante, la mission de l’école est d’ « émanciper » la jeune fille en l’obligeant, contre son gré, à enlever son foulard et à se débarrasser de ses principes et à se dresser contre ses parents. De cette manière là, elle aurait prouvé son émancipation. Tant qu’elle possède d’autres idées, elle est toujours aliénée. Si l’école du XXI siècle est bien celle là, elle devrait être décrite comme étant un établissement d’assimilation et non d’émancipation des générations qui y transitent.

D’autre part, Madame le Professeur reconnait qu’ "être démocrate c’est reconnaître la diversité, mais pas de manière inconditionnelle….. Le cadre général doit rester la Convention Européenne des droits de l’homme" .

La dite convention stipule dans son article 9 :

• "Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites".


• "La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui."

Alors, accepterait-elle ces droits garantis par la référence à laquelle elle s’identifie ? Où bien ignorait-elle l’existence de ce droit ?



La loi s’adresse tant aux femmes qu’aux hommes

Enfin, la loi musulmane relative au comportement sexuel ne vise nullement les femmes uniquement, comme présenté dans l’article comme une loi sexiste "aux hommes les pulsions incontrôlées ; aux femmes le devoir de s’y soustraire en reléguant leurs attraits au placard". C’est parler en totale ignorance que de la présenter ainsi.

Avant de s’adresser aux femmes, le Coran s’est adressé d’abord aux hommes les mettant en garde contre toute dérive, par ces termes (sourate la lumière, versets 30 et 31):

• "Dis aux croyants de baisser leurs regards et de garder leur chasteté. C'est plus pur pour eux. Allah est, certes, Parfaitement Connaisseur de ce qu'ils font.



• Et dis aux croyantes de baisser leurs regards, de garder leur chasteté, et de ne montrer de leurs atours que ce qui en paraît et qu'elles rabattent leur voile sur leurs poitrines; … ".

Le port du voile, obligation religieuse
Pour conclure, notons que le port du voile est une prescription religieuse à toutes les filles et femmes ayant atteint la puberté. Le texte du Coran ci-dessus est bien clair à ce sujet. Le hadith rapporté par Aïcha (l’épouse du Prophète) est aussi explicite. Elle raconte qu'une fois, sa sœur, Asma entra chez le Prophète avec des vêtements légers. Le Prophète se détourna d'elle et dit:

"O Asma, quand la fille devient pubère, il ne convient pas de voir d'elle une autre partie que celles-ci (et il lui indiqua le visage et les mains)."

Ceci dit, nul n’a le pouvoir d’imposer par la force ses idées. Les parents, non plus, n’ont pas cette compétence. Néanmoins, il est important de garder une certaine objectivité dans sa vision et de pouvoir distinguer ce qui relève de l’éducation des enfants qui est un droit et une obligation incombant aux parents.

Ces derniers ont le droit et l’obligation d’inculquer leurs valeurs à leurs enfants. La société leur transmet d’autres valeurs qui pourraient être antagonistes aux premières. Ensuite, vient l’école, pour leur procurer les moyens et les outils nécessaires leur permettant le développement de l’esprit critique avec lequel ils feront leur choix dans la vie.

Les personnes concernées par la question, en l'occurrence les filles musulmanes, ont droit à exprimer leur avis et à parler en leur nom et il est injuste de spolier ce droit sous quelque prétexte que ce soit ou de les marginaliser et étouffer leur voix tout en prétendant les défendre d’une prétendue injustice qu’elles ne reconnaissent pas.

Quoiqu’en pensent ses adversaires, le fait religieux est une réalité de notre univers et chercher à l’ignorer n’apporterait que violence et désolation. Plutôt que de chercher à aller à contre courant, soyons réalistes et songeons à renforcer notre cohabitation pacifique, dans le respect mutuel, et ne pas entacher les valeurs humaines qui avaient fait de notre petit royaume un géant en matière de respect des droits de l’homme.

Nos concitoyens seraient-ils ravis d’assister, avec indifférence ou, peut-être complicité, au chavirement du paquebot qui les embarque, dans l’abime de la dictature moyenâgeuse qu’on pensait classée, à jamais, dans la poubelle de l’histoire ?

M. Guermit
Professeur de religion islamique


Pour l'article en question, le lire à l'adresse :
http://www.cgsp-enseignement.be/documents/Tribune/2007/ens_nov07%5B1%5D.pdf